Lors du précédent article sur le Business Model, nous avons abordé le business model canvas. Si vous souhaitez déjà comprendre comment définir votre business model, nous vous conseillons de commencer par cet article (voir l'article ici).
Pour ce second article sur le business model, je souhaite aborder le cas particulier des entreprises du digital. Nous connaissons bien ce secteur d’activité car nous accompagnons des entreprises dans le digital depuis 2003 (et on est une entreprise du digital)
Si vous vous demandez :
- Comment se démarquer des concurrents ?
- Comment générer plus de chiffre d’affaires à effectifs constants ?
- Comment optimiser vos encaissements ?
- Comment générer plus de cash-flow ?
Cet article vous donnera quelques pistes.
Les agences digitales : un vrai fourre-tout (on est dedans)
Un grand nombre de structures qui ont des activités très diverses se décrivent comme étant des agences digitales.
On peut considérer cette dénomination comme regroupant différents métiers du digital et les agences auront des orientations différentes :
- L’agence web : elle réalise votre site web, du dépôt de nom de domaine à la création graphique du site, votre logo, la rédaction de celui-ci et peut également prendre en charge le référencement naturel de votre site ainsi que quelques actions de communication. Certaines agences web se spécialisent dans la réalisation de landing page, de site vitrine ou de site e-commerce.
- L’agence de communication : elle assure pour le compte d’un ou plusieurs clients des actions de communication pour valoriser leurs marques, leurs produits et/ou services en interne et/ou en externe. Elle crée du contenu multimédia (vidéo, photo, visuel, rédaction) et pourra vous accompagner sur des stratégies marketing.
- L’agence marketing : elle met en place une stratégie pour développer votre activité et votre visibilité au travers d’actions sur un ou plusieurs canaux. Certaines sont spécialisées en inbound marketing, la réalisation d’étude de marché, d’autres sont spécialisées en copywriting. Cela dépend grandement de l’équipe de l’agence et de son savoir-faire.
- L’agence de publicité : comme son nom l’indique, l’agence de publicité se concentre sur la publicité, c'est-à-dire, l’achat d’espace de communication sur différents médias ou réseaux sociaux pour diffuser votre publicité. Elle travaille pour des annonceurs avec des diffuseurs.
- L’agence de relation presse : elle réalise la promotion de votre activité en rédigeant un communiqué de presse et en organisant des interviews, la rédaction d'articles dans la presse et s’assure que les médias sélectionnés permettent de toucher votre cible client.
- L’agence SEO : elle réalise des actions afin d’augmenter le flux de visite de votre site web en utilisant des backlinks (lien depuis des domaines de référence vers votre site), l’optimisation de votre site web et la rédaction d’articles de référencement pour que votre site soit mieux identifié par les moteurs de recherches.
- L’agence de Growth Hacking ; la petite dernière. Attention à ce Buzzword qui regroupe tout et n’importe quoi. Le Growth Hacking se définit comme l’utilisation d’une stratégie pas chère pour atteindre ses objectifs. La méthode la plus connue est celle dite ”acquisition, activation, rétention, recommandation, revenu”. L’agence de Growth Hacking a deux approches bien distinctes, soit elle a une approche de masse avec une forte automation (automatisation du processus marketing), soit sur une approche de niche avec une approche par intention et une étude des comportements des utilisateurs pour réaliser des leads qualifiés.
Vous pourrez remarquer que chacune de ces approches ont une chose en commun. Les agences digitales travaillent sur des projets pour des clients. Elles vendent des prestations intellectuelles, du contenu, des applications et sites web clés en main.
Il y a alors deux business models possibles pour ces agences :
- Au projet : l’entreprise trouve un client qui a un besoin, propose un devis, analyse, conseil, réalise et mesure les résultats.
- L’abonnement : l’entreprise propose des forfaits d’abonnement, les clients souscrivent à un abonnement et ont accès à des prestations, des outils, des actions.
Nous verrons une troisième voie un peu plus loin.
Travailler au projet : un business model de bureau d’étude digital
Je vais prendre un exemple que je connais bien : Netnco
Chez Netnco en 2022, nous réalisons des accompagnements sur mesure et du développement de solutions à façon. Nous sommes donc dans le premier modèle, au projet en BtoB à 100%.
Nous proposons des modalités de paiement qui dépendent de la somme mais globalement nous procédons à 50% à la commande, 50% à la livraison.
Nous avons donc deux encaissements par projet en moyenne avec toujours des projets différents.
Nous avons un business model assez proche de celui du forgeron que nous avions pris comme exemple dans le précédent article (cf ci-dessous). Et si finalement, notre approche était celle d’un artisan ?
Notre approche qui consiste à faire des projets sur mesure a un avantage indéniable pour nos clients car nous réalisons des solutions uniques qui correspondent à un besoin spécifique, à des problématiques marché spécifiques.
C’est pour cela que dans notre mix clients, nous avons des métiers différents mais qui ont tous un point commun : un métier ou une cible clientèle très spécifique, un marché concurrentiel nécessitant une forte différenciation et une stratégie basée sur les intentions.
Ne disposant d’aucune rente, nous devons toujours être au top pour rester compétitifs (voir nos réalisations).
Les avantages de ce type de modèle sont :
- nos clients ont des résultats et touchent leurs cibles clientèles
- nous avons une expérience dans différents domaines d’activités
- aucun projet ne ressemble à un autre
Les inconvénients de ce type de modèle sont :
- nous vendons notre temps
- nos approches sur mesures sont peu automatisables
- nos frais de fonctionnement ne diminuent pas avec le volume d’affaires (ou très peu)
- la trésorerie fluctue en fonctionnement des clôtures de dossier
- pour rester compétitifs, nous passons une part importante de notre temps à faire de la veille et à s’autoformer
- nous sommes limités à une 50 aines de clients actifs par an
Nous pouvons remarquer que cette façon de travailler génère des problèmes de trésorerie comme on peut le voir sur le graphique d'illustration ci-dessous.
Ainsi, bien que le chiffre d'affaires moyens permet de couvrir les charges fixes, on peut voir que certains mois les encaissements sont inférieurs aux charges fixes. En cas de retard de paiement, nous serions donc en difficulté pour payer les salaires et autres charges fixes.
Proposer des solutions par abonnement est donc un axe intéressant pour avoir des entrées régulières de trésorerie et pouvoir réaliser des économies d’échelle.
Voilà pourquoi une partie des agences proposent ce type d’offres.
Les solutions par abonnements proposées par les agences digitales
Longtemps ces offres ont eu une mauvaise réputation suite à des pratiques douteuses pratiquées par des pseudo agences digitales. Vous trouverez des articles sur le web sur la pratique nommée One Shot qui consiste à créer une agence web, celle-ci n’a pas de développeur ou très peu mais une armée de commerciaux très peu formés au webmarketing. Ils proposent des sites qu’ils disent sur-mesure à des clients et leurs proposent une remise commerciale si ils signent dans la foulée.
Le client se retrouve à payer un site internet par mensualités sur une durée de 4 à 5 ans sans pouvoir de rétractation. Le site n’est pas la propriété du client, celui-ci est réalisé par des sous-traitants à bas prix et sont pour certains des copiés-collés d’autres sites.
Les entreprises qui pratiquent cette approche existent encore, sont très rentables, passent une bonne partie de leur budget dans l’effort commercial et dans des prestations pour laver leurs réputations sur le web. Les mauvais avis sont noyés dans une quantité de faux avis ou d’avis sollicités pour bénéficier d’une remise commerciale.
Je ne m’attarderai pas sur ce business model qui me déplait et donne une très mauvaise image à la profession.
Parlons des autres offres d’abonnements que vous pouvez rencontrer.
Elles sont en général de deux natures :
- offres de services
- licences
Voici quelques exemples de prestations par abonnement que vous pourrez rencontrer :
- accompagnement SEO sur 6 mois à x€/mois
- prestation de copywriting avec 2 articles par mois pendant 6 mois
- gestion de campagne google ads à x€/campagne/mois
- prestation de community management à x€/mois
- forfait de maintenance 2H par mois à la demande
- forfait d’accompagnement business development comprenant des actions de coaching, des actions marketing, des actions de reporting
- licence d’utilisation d’une API
- licence développeur sur un CMS sur une solution packagée
- licence d’utilisation pour un CRM
- licence d’exploitation pour un MOM/MES/ERP
Ces offres permettent d’avoir des entrées d’argent prévisibles et ainsi sécuriser la trésorerie d’une entreprise du digital.
L'augmentation du MRR, revenu mensuel récurrent grâce aux abonnements permet de lisser les entrées de trésorerie et ainsi permet à l'entreprise de travailler certains mois sans autre sources de revenu que le MRR (mois de Mars et Juin dans l'illustration). Les charges fixes étant couvertes, l'entreprise peut travailler plus sereinement. L'entreprise peut alors lancer alors des démarches d’optimisation en automatisant une partie du travail afin de pouvoir absorber plus de clients et ainsi réaliser des économies d’échelle.
Ainsi le business model évolue et les encaissements se font selon des cycles de paiement.
Lorsqu’un processus est entièrement automatisable, se pose la question d’en faire une solution, un produit. Les entreprises sont alors des fournisseurs de solutions.
Les fournisseurs de solutions, produits.
Les agences s’appuient toutes sur un ou plusieurs solutions pour réaliser leurs missions. Il y a donc des entreprises qui fournissent des services en ligne.
Les fournisseurs de solutions ont une autre structure que les agences digitales. Elles ont souvent une équipe avec un CTO, un ou plusieurs Product Owner, des équipes commerciales pour certaines et des équipes de développeurs.
Prenons un exemple d’une société comme Ranxplorer (j’aime bien leur outil).
Ranxplorer est une entreprise française basée à Grenoble qui fournit un outil en ligne qui analyse le positionnement des sites internet et les mots clés de ces derniers. Cet outil est à destination des référenceurs.
La société Ranxplorer propose plusieurs offres.
Tout d’abord vous pouvez utiliser partiellement leur solution gratuitement pour vous donner envie. Cela s’appelle le freemium, une partie est utilisable gratuitement et pour avoir des fonctionnalités premium c’est payant.
Ils ont 4 offres
- 9€HT/mois NOVICE
- 29€HT/mois AMATEUR
- 49€HT/mois PROFESSIONNEL
- 99€HT/mois AGENCE
Avantages de ce modèle
- Avec ces offres, Ranxplorer peut avoir des revenus réguliers, ne dépendant pas directement de la prospection.
- Le temps de réalisation de devis est réduit à néant
- Le client paie un service et utilise l’outil en totale autonomie
- Pas de relation client si ce n’est lors de soucis avec le service après-vente.
- Le service de dév travaille sur des tickets et des évolutions techniques de la solution
- La notoriété de la solution permet de faire de l’acquisition par bouche à oreille.
Inconvénients de ce modèle
- Les clients restent tant que l’outil est compétitif
- Il faut être à l’écoute de la concurrence, des besoins des utilisateurs et prévoir les évolutions sans déstabiliser la version en production.
- Il peut se créer une distance avec le client utilisateur
Vous comprendrez que ce modèle économique demande une organisation de l’entreprise différente de celle de l’agence digitale classique qui développe pourtant parfois ce type de solutions pour ses clients.
Nous pouvons imaginer que les encaissements d'une entreprise sur ce modèle économique peuvent être illustrés ainsi :
Le chiffre d'affaires et les encaissements sont égaux aux revenus mensuels récurrents. Les encaissements sont alors corrélés au nombre de clients qui souscrivent à l'offre. Ainsi, ce type d'entreprise avec ce business model ont besoin d'avoir de nombreux clients, qui prennent des offres différentes en fonction de leurs besoins et moyens, pour développer leur rentabilité.
Les charges ne sont pas réellement fixes sur le moyen termes, car en ayant plus d'utilisateurs
- les frais pour passer à l'échelle peuvent augmenter (frais de serveurs, changement de technologie nécessitant de prendre des licences).
- les dépenses marketing pour comprendre les clients, faire connaitre la solution et en faire la promotion dans un contexte concurrentiel vont nécessairement augmenter.
Le MRR (Monthly Recurring Revenue), indicateur de santé de votre entreprise ?
Le MRR, Monthly Recurring Revenue ou revenu récurrent mensuel correspond à un indicateur qui mesure l'ensemble de vos revenus récurrents normalisés en un montant mensuel. Il est normalisé car contractuel, peu dépendant de la prospection et correspond à vos revenus générés par vos abonnements.
Il est intéressant car il peut permettre de couvrir vos charges fixes et ainsi contribuer à augmenter votre free cash flow (cf notre article sur le free cashflow).
Vous serez alors à même de réaliser de l’investissement en temps, en R&D et en matériel pour améliorer le fonctionnement de votre entreprise.
La contrepartie pour augmenter le MRR de votre entreprise est d'offrir des offres packagées, répondant précisément aux besoins de vos utilisateurs et pour se faire vous devrez restructurer votre entreprise dans ces méthodes et dans les métiers qui composent votre équipe. Vous devrez également investir du temps et de l'argent dans du marketing pour faire connaître vos offres.
Vous avez pu voir dans cet article différents business models d'entreprises du numérique. Lors du prochain article sur les business model, je m'attarderais sur les entreprises proposant des formations et des prestations de coaching.
Crédits photos : Franck Terlin
Illustrations : Guillaume Rouffiac