Je vous propose cette réflexion personnelle sur la zone de confort, basée sur une expérience personnelle.

Il y a quelques années, j'ai vécu une restructuration dans une entreprise dans laquelle je travaillais.

La zone de confort lors d'une restructuration

Pour vous expliquer, on ferme une usine du groupe pour des raisons économiques simples : le site principal est sous-chargé et l’activité de la filiale, bien que performante, peut être absorbée par le site principal. Pas de bol pour l’équipe de la filiale. La filiale était une PME performante avec une dizaine d’année d’existence et une équipe managériale très autonome qui s’est organisée en 12 ans selon leurs propres règles.

La Direction décide de fermer la filiale et l’équipe sera en partie sauvée. Elle prendra la Direction d’un des services du groupe sur le site principal.

Imaginez le choc pour cette équipe. Ils doivent déménager et dire adieu à leurs habitudes pour rejoindre le site principal.

Pourquoi perdre leurs habitudes ? Après tout, ils étaient plus performants que le site principal… sur le papier

Qu’à cela ne tienne, ils vont venir en apportant leurs bonnes pratiques de PME et devenir de vrais héros de la performance. C'était le plan du manager de ce site qui a réussi à expliquer qu'il amènerait un second souffle avec son équipe qui prendra les postes d’une partie des personnes du site principal.

C'est dans ce contexte que j'ai perdu mon poste de responsable de production pour évoluer vers l'amélioration continue.

Je comprends très bien que le manager de la filiale ait souhaité sauver son équipe. Il a expliqué à la Direction que si on lui donnait carte blanche et si il pouvait installer son équipe sur des postes à responsabilités, il allait faire mieux que les acteurs historiques.

Ceci est un témoignage sans aucune amertume car j'ai adoré bosser avec cette nouvelle équipe et cette situation m'a éclairé sur les degrés de maturité d'une entreprise, la force des petites structures et leurs faiblesses, et comment les organisations qui sont possibles à une échelle, ne le sont plus à une autre. Je l'ai mal vécu sur le moment et je me rends compte que j'ai beaucoup appris sur la résilience lors de cette expérience.

La Direction a accepté, le manager s’est engagé et a communiqué dans ce sens.

J'ai pu alors entendre les propos :

  • " vous allez voir, on va vous apprendre à travailler " 
  • ou encore " laissez faire les pros "
  • ou encore " oui il est meilleur que toi, tu dois faire le deuil de ton poste, digérer tout ça ".

C'était une situation tendue car personne n'avait droit à l'erreur dans cette transition.

Le changement c'est maintenant - La résilience vient après

Puis les personnes sont arrivées, conquérantes pour certaines, remontées à bloc, dénigrant parfois le travail et les méthodes en place.

Cependant, les contraintes sur le site principal n’étaient pas les mêmes que dans la filiale (les contraintes et les niveaux de liberté de décision).

Nous avons eu droit, de la part de la Direction, au discours sur la zone de confort… et c'est là que je me suis demandé si on nous tenait ce discours pour permettre à d'autres personnes de retrouver leur zone de confort.

Tous les acteurs historiques devaient sortir de leurs zones de confort pour se plier à la nouvelle vision du travail. L’ironie du sort c’est que, ce faisant, les personnes venant de la filiale ne faisaient que se conforter dans leurs propres zones de confort.

Les mois passèrent et ils commencèrent à comprendre les contraintes qu’ils n’avaient pas encore identifiées. Les organisations n’étaient pas aussi simples au sein d’un groupe de 1000 personnes que dans une PME.

Ils ont alors commencé à faire appel aux acteurs historiques qui avaient été quelques temps auparavant considérés comme "has been", voir mis au placard. Ils avaient besoin d’aide et n'avaient pas les clés pour comprendre une entreprise internationale.

La solidarité a repris le pas sur les tensions pour le bien de l’activité. Bien entendu, le management ne s’est pas excusé d'avoir mis des personnes volontaires et impliquées de côté, parce qu'elles ne venaient pas du site qui venait de fermer. Cela aurait été une marque de faiblesse de reconnaitre une erreur, management à l'ancienne.

La taille compte… surtout pour les entreprises

La leçon que j'ai tiré de cette aventure est qu’il faut être très vigilant lorsqu’un discours sur la zone de confort est répété en boucle. Bien souvent c’est une façon masquée de demander à une partie de la population de se plier aux souhaits d’un manager ou d’un groupe de personnes afin qu'ils aient moins d’effort à faire, pour qu’ils retrouvent leurs propres zones de confort (leur méthode, leur vision).

Soyez attentif à ce discours détourné sur la zone de confort. Le discours est à la mode et a un vrai sens en développement personnel pour apprendre à se dépasser. Dans ce cas là, c'était simplement un changement imposé qu'il fallait accompagner.

Pour conclure sur ce point, au global, la réorganisation a été bénéfique. Les personnes qui ont le plus soufferts de cette réorganisation semblent être celles qui venaient du site fermé. Elles ont dû faire le premier deuil de leur entreprise, le second deuil d'une vision idéalisée de leur arrivée en sauveurs du site principal.

Je suis ami avec ces personnes qui ont quitté l'entreprise par la suite. Ils ont été confrontés à une réalité plus dure qu’ils ne pouvaient l'imaginer.

Les grands groupes ne sont pas des environnements épanouissants pour tous et ce qui est valable dans une petite entreprise, ne l'est plus forcement dans une grande entreprise.

Il est intéressant de penser que dans le cadre des acquisitions d'entreprises, les grands groupes cherchent souvent des petites structures innovantes, dynamiques, avec de vraies spécialités et que parfois dans les intégrations, on peut perdre les qualités de l'entreprise acquise par le processus d'intégration. Se pose alors l'intérêt de ces intégrations… mais ceci est un autre sujet.

Si vous souhaitez des conseils pour accompagner ce type de mutation et que vous pensez que le digital peut vous apporter des méthodes et outils collaboratifs, n'hésitez pas à faire appel à nous. 

Crédits photos : Quinten De Graaf, Thisisengineering Raeng, Science In HD