Vous êtes Sprinter ?
Ce n’est pas pour vous parler de sport que je commence à rédiger sur cette page blanche. Non, c’est pour aborder les Sprints professionnels au sens large.
Issues du monde du logiciel, différentes méthodes utilisent des Sprints. Elles sont issues des pratiques de développements en open-source qui deviennent la norme dans les entreprises de développement de logiciel.
Pour ceux qui nous connaissent bien, vous savez que chez Netnco nous ne sommes pas des puristes avec les méthodes, et que nous empruntons à différentes méthodes pour travailler de façon efficace. Les Sprints sont devenus des outils très appréciés par l’équipe qui permettent d’atteindre des résultats rapidement. Nous en utilisons en interne ou pour nos clients, avec nos recettes pour les rendre délicieux, et je vous en parle dans cet article.
Lorsqu’on parle de sprint professionnel et de l’expérience de travail qu’ils offrent, il y a beaucoup d'émotions qui entrent en ligne de compte si on veut expliquer le fonctionnement du mode sprint et son apport aux équipes. C'est donc quelque chose que l'on comprend mieux quand on le vit et difficile à expliquer. Je vais tenter de le faire en vous donnant mon analyse personnelle.
Mais qu’est-ce que c’est ces Sprints ? Bienvenue en cuisine
Un Sprint dure en général entre 3 heures à 7 jours, il s’agit d'une recette qui a besoin d'un certain nombre d'ingrédients pour prendre.
Les ingrédients :
- Une équipe en cuisine : chacun aura son poste. Le chef de salle (l'animateur) rythmera la séance en ramenant toujours l'exigence aux besoins du client (celui qui va se régaler à la fin si on a bien travaillé). Le chef de cuisine sera aux fourneaux et décidera des directions à prendre. Chaque autre membre de l'équipe apportera son expertise, l'un aux sauces, l'autre au dressage et tous en action pour atteindre l'objectif.
- Des fruits : une équipe c'est important, et les matières qui va être travaillées sont leurs idées, la production de chacun, l'expression de leur talent et de leur travail. Vous comprenez l'importance de sélectionner l'équipe en pensant aux fruits qu'ils amèneront. Les meilleurs fruits pour un sprint sont ceux qui ont poussés dans la terre qui doivent porter votre projet. Attention, si vous choisissez uniquement des fruits qui ont poussé en serre, cela ne donnera pas le même résultat. Pour être moins dans la métaphore, les participants doivent être inscrits dans la réalité du terrain, le terroir. Leurs idées devront être pertinentes et pragmatiques et, pour cela, il est super intéressant de sélectionner des personnes qui passent du temps sur le terrain. Il vous faudra donc un décideur, des experts qui connaissent le job et des utilisateurs terrain dans la team.
- Une commande client, c'est à dire un objectif : forcement, sinon sans objectif, on ne fait que passer le temps et cela se résume à faire un team building sans grand intérêt stratégique. Pas d'objectif, pas de sprint. L'objectif doit être bien clair pour tous, nous avons des astuces pour que l'équipe partage la même vision de l'objectif.
- Une cuisine : un lieu physique ou numérique dans lequel les sprinters se rassemblent et vont travailler. Le lieu doit être confortable et permettre un échange d'informations aisé entre les personnes. Rien ne doit être laissé au hasard dans la salle. Préparez tout ce qui peut contribuer à faciliter l'échange : des tableaux, des marqueurs, des post-its, un écran géant, une bonne connexion internet et pourquoi pas des canapés (on en reparle…).
- Un feu : pour garder le rythme, on passe sur le grill, on mijote, à feu doux, aux fours. Le feu est important car il rythme la cuisine aussi bien que le client qui attend. Concrètement, c'est un des rôles de l'animateur et du facilitateur de maintenir ce feu nourri à la bonne température pour ne pas griller les participants mais permettre aux produits du groupe de devenir délicieusement préparé.
- Un client qui attend en salle : Cela signifie que vous devez produire un livrable utilisable et la deadline sera non négociable (on rend ce qu’on a produit).
La chance que vous avez parfois (et on vous y encourage), c'est de faire rentrer un client dans la cuisine pour tester les sauces, les plats, les dressages au fur et à mesure de leur fabrication afin de peaufiner votre recette.
Mais en quoi les Sprints qui durent de 3 heures à 7 jours permettent d’atteindre des objectifs que l’on atteint pas autrement.
Sortons de la cuisine : Le bal commence et les masques tombent
En cuisine chacun connaît sa place et l'organisation est quasiment militaire. Pour arriver à créer cette dynamique, ce flow de travail, il me semble que l'analogie avec un bal est la plus pertinente. Pourquoi ? Parce que c’est le rythme et sa capacité à créer une synchronicité entre les participants qui permet à chacun de pouvoir s’exprimer pour atteindre l’objectif… en tombant les masques.
Quand j'étais ado, là où j'ai grandi, nous allions au bal avec nos objectifs ; les mêmes que ceux qu'on avait jeune adulte en sortant en boîte. Il y avait une sorte d'excitation et d'émulation avant la soirée. Pourquoi est-ce le cas et en quoi un sprint est comme un bal ? Voici quelques éléments de réponse :
- Les sprints ont un début et une fin. Savoir que cela va se terminer met les participants (l'équipe) dans le présent.
- L'équipe apprend à se connaître en vivant un moment intense ensemble.
- L’équipe est concentrée sur le sprint et sur rien d’autre.
- La musique, le rythme, les phases, permettent de créer une ambiance.
Une des différences notable entre les sprints et nos soirées de jeunesse, est que nous atteignons très souvent nos objectifs lors des sprints et que l'on n'a peu de risque de finir avec une grosse migraine le lendemain.
Notre rôle est donc de créer une ambiance, un rythme et un flow d'exigence pour que chacun contribue.
L'ambiance
On a donc une équipe qui s’organise pour atteindre un objectif et un animateur qui rythme le tout. L’unicité de lieu (physique et numérique) permet de fluidifier les échanges entre les membres.
Petite anecdote ! Chez Netnco, nous avons un petit canapé IKEA, le KNOPPARP orange qui a comme avantage d’être démontable et facile à transporter. Pour changer l'ambiance de travail, j'aime le monter dans les salles de réunion des clients lorsqu’on organise des ateliers sur plusieurs jours.
Ce canapé n’est pas anodin, il sert non seulement d’espace de détente un peu plus confortable que les chaises de salles de réunion mais également à casser les postures classiques qu’adoptent les personnes lorsqu’elles sont en réunion. Du coup ce canap’ est un superbe allié.
Il nous arrive également de jouer des playlists que nous avons créées dans certaines phases des sprints pour développer la créativité.
Voici une playlist que je joue dans les Design Sprint par exemple (cliquer ici).
Le rythme
Lorsque nous animons des sprints, on monte progressivement la pression ! Les participants entrent dans le jeu, ils doivent produire et pour cela chacun doit apporter sa contribution.
En augmentant le rythme d’animation et en nous assurant que chacun contribue, nous créons un flow et l’instant de grâce se produit. Les bavards n’ont plus d'espace pour s’écouter parler, la peur de s’exposer s’efface et les timides s’expriment.
Les sprints organisés en présentiel font que l’équipe vit une sorte de huis clos et l’animation du sprint fait que, très rapidement, un phénomène que l’on voit souvent dans le monde du sport apparaît : l’égo de chacun diminue pour donner plus d’importance à l’atteinte de l’objectif.
Chacun trouve sa place et on peut enfin travailler. Il n’y a plus de posture, juste des hommes et des femmes en action qui doivent coopérer pour atteindre un objectif. L’intelligence collective peut enfin s’exprimer. J’appelle ceci le syndrome de l’escape-game.
C’est à ce moment que chacun apporte son expertise et ses compétences en se mettant à nu, sans avoir peur de proposer des idées nouvelles.
A part cet apport humain et la création d’une dynamique de travail, le Sprint a d’autres avantages plus terre à terre.
Les avantages concrets du travail en Sprint
De ces exercices naissent des relations renforcées entre les participants qui ont vécu une expérience humaine unique. J’aime à penser que les sprints contribuent à souder les équipes. Un des avantages est également que chaque avancée est visible par l’ensemble du groupe, ce qui permet une conduite du changement plus simple car le groupe sait expliquer le comment du pourquoi et expliquer les choix techniques et organisationnels qui ont été faits. Les sprints réalisés à distance n’ont pas le même effet… Bien que non dépourvu d’intérêt, il leur manque la composante animale de l’expérience physique.
L’erreur comme source de créativité
On se fatigue moins et on décide plus. En effet, le format sprint part de deux principes :
- Lorsqu’on doit aller vite, on va à l’essentiel.
- Lorsqu’on peut tester vite, les erreurs sont moins conséquentes et on peut facilement changer d’orientation.
Ainsi, le format sprint permet de tester des pistes en se laissant le droit à l’erreur.
“Vous n’apprenez pas à marcher en suivant les règles, vous apprenez en faisant et en tombant.” Richard Branson.
L’objectif est de s’appliquer cette citation sur des intervalles courts pour que les chutes ne soient pas trop douloureuses.
Vous l’aurez compris, non seulement cela permet de tester des choses rapidement mais également, si le syndrome escape-game a bien pris, les participants essaient des choses qu’ils n’auraient jamais osé faire.
Le champ des possibles augmente et cela permet, sur le moyen terme, de donner aux participants le goût du test and learn.
L’erreur est un moteur pour :
- Sur le court terme une façon de tester rapidement,
- Sur le moyen terme un apprentissage des limites des systèmes de l’entreprise,
- Sur le long terme un bon moyen de valoriser l’audace et la créativité dans votre entreprise en créant une culture de l'expérimentation.
Vous avez compris pour l’erreur, parlons maintenant de l’empowerment.
Le rythme de décision - Empowerment du décideur et de chacun
Dans les sprints, il y a toujours un système de vote et un décisionnaire qui tranche. Et vous savez quoi, il décide beaucoup.
Les décisions donnent des orientations claires et des objectifs partagés à l’équipe qui peut se concentrer sur la résolution de problèmes et/ou la création d'idées ou concepts.
Il n'y a pas longtemps, j’avais sympathisé avec un client et je lui ai demandé à l’issue d’une journée de design sprint :
“As-tu déjà vu le chef prendre autant de décisions dans une journée?”
Il est resté pensif car effectivement, il n’avait jamais vu autant de décisions en une journée.
Le décideur apprend plusieurs choses dans les sprints :
- Décider rapidement à la lumière des informations dont il dispose,
- Faire des erreurs et les assumer sans trop de répercussion,
- Mieux apprécier l’expertise de l’équipe et des équipiers.
Le décideur sort grandi d’une approche par sprint en prenant des décisions éclairées et pragmatiques à haute fréquence.
Je suis persuadé qu'il y a des postures dans les entreprises qui sont utiles en temps normal et qui nuisent à la créativité dans certaines situations ainsi qu'au passage à l'action rapide. Sortir les personnes de ces postures est une des clés de la réussite du travail en Sprint. Cette expérience permet aux différents participants de se découvrir sous un autre angle et contribue à l'empowerment de chacun(e).
A l’issue du Sprint, le temps ne s’écoule plus pareil
Dans les différents sprints auxquels j’ai participé ou que j’ai animé, j’ai pu remarquer un phénomène étrange de désynchronisation.
Les participants ont “fonctionné à une fréquence” et le retour au travail routinier s’accompagne d’une boulimie d’action dans un premier temps, puis d’une fatigue passagère avant de retrouver un rythme normal.
Le rythme des sprints n’est pas soutenable de façon infinie car ils demandent une haute concentration pendant une période. Comme tout sprinter, l'athlète professionnel que nous sommes a besoin de repos, d'entraînement, de formation, de compétition (sprint) pour pouvoir performer.
La prise de recul après le sprint permet de mûrir certaines idées et d’approfondir l’analyse sur des sujets qui ont été soulevés par le sprint. Un peu comme l’analyse vidéo avec l’équipe après un match. Ces temps sont tout aussi précieux que le sprint en lui-même car il y a des sujets que l’on ne doit pas traiter par Sprint.
Personnellement, je ne comprends pas comment les équipes Scrum, RAD ou Agile XP font pour travailler à 100% en Sprint. Je pense que sans des temps de relâche le niveau de qualité doit s’en ressentir impacté.
Voici quelques Sprint que j’apprécie particulièrement
- Le Brand Sprint de 3 heures
- Le Business Sprint de 3 heures
- Le Design Sprint de 4 jours
- Le Design Sprint de 5 jours
Résumé de la recette
Ingrédients d'un sprint réussi :
- Une équipe soigneusement sélectionnée avec un décideur, des experts techniques, des utilisateurs,
- Un objectif clair et partagé,
- Un lieu physique ou numérique partagé,
- Des rituels pour créer le rythme,
- Un animateur qui créera la dynamique,
- Un client avec qui vous pouvez échanger pour tester des idées ou des mini-livrables,
- Un peu de musique si nécessaire (pour assaisonner selon le goût de l'équipe).
Durée de préparation : de 3 heures à 7 jours
Conseils de préparation : soyez vigilant sur le rythme et le niveau d'énergie de l'équipe. Soyez bienveillant et exigeant pour que chacun soit dans l'action. Brisez la glace et faites en sorte que les participants sortent de la posture pour donner le meilleur d'eux-mêmes.
Si vous avez apprécié cette fiche recette, n'hésitez pas à la partager avec vos amis et à nous contacter pour en savoir plus.
(Crédits et remerciements : Photo Braden Collum, Michael Browning, Jacob Bentzinger, Windows, Sarah Kilian, Brooke Lark sur Unsplash, Merci IKEA pour ce petit canapé super génial, Merci Audrey Stropoli pour l'idée de la fiche recette)